Le CSGA explore les mondes invisibles: un voyage scientifique au coeur du microbiote
Publié le 19 décembre 2025
Réunis le 1er décembre 2025, les chercheurs du CSGA ont dévoilé une série de travaux explorant le rôle souvent insoupçonné du microbiote dans les perceptions, les comportements alimentaires et la santé.
Alors que décembre commence à laisser filer ses premiers instants, plus de 100 chercheurs, ingénieurs, techniciens et étudiants ont ouvert des fenêtres sur l’infiniment petit. Chaque intervention a révélé une découverte, parfois amusante, parfois intrigante.
Première fenêtre ouverte : la bouche, présentée par Éric Neyraud. Un espace densément colonisé par les bactéries, virus et autres levures. Certains s’accrochent au palais, d’autres préfèrent la langue ou les dents. C’est presque la crise du logement car toutes les niches écologiques sont occupées ! Et loin d’être de simples squatteurs, ces micro-habitants influencent notre perception des saveurs. Inutile donc de leur tirer la langue : ils y sont très bien installés.
Direction ensuite les mouches drosophiles avec Léo Sillon. On apprend ainsi que la larve raffole de fruits pourris, véritables bouillons de culture microbiens, tandis que l’adulte, fine bouche, n’est pas un grand fan des aliments fermentés et préfèrent une pomme mûre à point…
Puis viennent les lapereaux, dévoilés par Benoist Schaal : entre les tétées uniques chaque jour, les nouveau-nés ingèrent les pelotes fécales de leur mère, cette dernière ayant pris soin de parfumer ses fèces avec une molécule volatile, une phéromone, très attractive pour ses petits. L’objectif ? Installer très rapidement après la naissance un microbiote robuste pour maximiser leurs chances de survie.
Retour chez l’être humain avec Virginie Delannoy. Avec l’avancée en âge, on observe une diminution de la diversité microbienne, souvent accompagnée d’une dysbiose, c’est-à-dire un déséquilibre entre espèces bénéfiques et espèces moins coopératives. Ces transformations ne sont pas seulement liées à l’âge biologique, elles dépendent aussi du lieu de vie. Lorsqu’une personne âgée s’installe en maison de retraite, la transition est aussi microbienne - un processus qui n’a rien d’anodin pour la santé de l’hôte.
La vision s’invite ensuite dans la discussion grâce à Marie-Agnès Bringer. Le microbiote intestinal pourrait aider à protéger nos rétines de la Dégénérescence Maculaire Liée à l’Age (DMLA) en modulant le métabolisme lipidique et en stimulant l’autophagie, ce mécanisme cellulaire de « ménage interne » qui semble avoir démissionné chez les patients. Prébiotiques et probiotiques ouvrent ainsi des pistes prometteuses en soutenant l’équilibre de notre microbiote intestinal Comme quoi le microbiote ne doit pas être laissé dans l’angle mort si on veut garder l’œil vif !
Avec Alexandre Bénani, place à la régulation de l’appétit. Son équipe montre que le microbiote, via ses toxines et métabolites influence bel et bien notre comportement alimentaire. Sans microbiote, face à un repas hypercalorique, l’organisme ronge son frein : les hormones de la satiété s’effondrent et l’appétit s’emballe. De fait, les travaux de cette équipe ont mis en évidence un lien étroit entre l’activité des microbes intestinaux et l’activité cérébrale au niveau des centres régulateurs de la faim.
Enfin, Jordi Ballester nous ramène à la vigne et au vin. Après tout, les fêtes de fin d’année approchent ! Pour faire du vin, il faut des microbes, mais pas n’importe lesquels. Face aux indésirables qui donnent des arômes de souris, de gouache ou de vinaigre, les sulfites ont longtemps été les gardiens du chai. Aujourd’hui, la bio-protection qui consiste à saturer le milieu de levures bénéfiques se présente comme une alternative séduisante.
Cette première journée transversale autour des microbes au CSGA s’est clôturée par une discussion qui a ouvert de nouvelles perspectives de collaborations entre les équipes.
Mots clés
Microbiote ; perception sensorielle ; développement ; maladie métabolique ; vieillissement ; DMLA ; bio-protection
Contact
Eric Neyraud: eric.neyraud@inrae.fr
Marie-Agnès Bringer: marie-agnes.bringer@inrae.fr
Pour en savoir plus
Ben Fradj S, Nédélec E, Salvi J, Fouesnard M, Huillet M et al. (2022). Evidence for constitutive microbiota-dependent short-term control of food intake in mice: Is there a link with inflammation, oxidative stress, endotoxemia, and Glp-1? Antioxidants and Redox Signaling, 37, 349-369.
Fouesnard M, Zoppi J, Petera M, Le Gleau L, Migné C, Devime F et al. (2020). Dietary switch to Western diet induces hypothalamic adaptation associated with gut microbiota dysbiosis in rats. International Association for the Study of Obesity, 45, 1271-1283.
Ibarlucea-Jerez M, Monnoye M, Chambon C, Gérard P, Licandro H, Neyraud E. Fermented food consumption modulates the oral microbiota (2024). Science of Food, 8,55
Lapaquette P, Boucard AS, Chain F, Grégoire S, Bermúdez-Humarán LG, Acar N, Bringer MA (2023). Time-restricted feeding potentiates the ability of Lacticaseibacillus casei to enrich the retina in omega-3 fatty acids. Aging and disease, 14, 1945-1949.
Schaal B, Moncomble A.S., Langlois D (2023). Does the rabbit mammary pheromone attract newborns to maternal faeces? A new potential function of the suckling chemosignal. In Schaal B, Rekow D, Keller M & Damon F (eds.), Chemical Signals in Vertebrates, Volume 15 (pp. 331-359). Springer Nature, Chams, Switzerland.
Rédaction
Claire Sulmont-Rossé , pour ANICOM